Il est des œuvres dont la portée excède largement les cadres de leur discipline. Buck Danny, née de l’imagination féconde de Jean-Michel Charlier et du crayon virtuose de Victor Hubinon, est de celles-là. Bien plus qu’une série d’aventures aéronautiques, elle constitue un jalon essentiel dans l’histoire de la bande dessinée européenne, un pont entre réalisme documentaire, art graphique et mythe moderne.
Dans l’univers codifié du 9e art, Buck Danny ne relève pas seulement d’un genre : elle en est la matrice. La série a non seulement donné ses lettres de noblesse à la BD d’aviation, mais elle a inspiré, au fil des décennies, des vocations de pilotes, de dessinateurs, de conteurs. À l’instar d’un Michel Vaillant ou d’un Corto Maltese, Buck Danny est une figure totémique, au croisement du héros et du témoin de son temps.
Difficile de dissocier le souffle narratif de Buck Danny du parcours personnel des deux auteurs. Pilote professionnel, grand reporter, aventurier moderne, Jean-Michel Charlier infuse dans ses scénarios une précision presque chirurgicale. Rien n’est laissé au hasard : avions, radars, systèmes de propulsion ou contextes géopolitiques sont restitués avec une rigueur qui confine à l’obsession.
Si Charlier écrivait l’histoire avec la tension du pilote en approche, Victor Hubinon la dessinait avec la précision d’un chirurgien et la sensibilité d’un metteur en scène. Rarement un dessinateur aura su conjuguer à ce point rigueur technique et expressivité dramatique. Dans chaque case, le mouvement, la lumière, la composition évoquent un art du cadrage emprunté au cinéma classique. Plongées audacieuses, jeux d’ombres, contre-champs subtils… Hubinon ne se contente pas d’illustrer : il chorégraphie.
Il faut regarder les planches de Buck Danny comme on contemple un tableau narratif. Chaque vignette fonctionne comme un diorama, chaque séquence comme un travelling mental. Ce « cinéma de papier », comme l’appellent certains spécialistes, tire sa puissance de la fusion rare entre image et récit, entre geste artistique et volonté documentaire.
Près de 80 ans après leurs débuts, les albums signés Hubinon et Charlier demeurent vivants. Réédités, commentés, collectionnés, ils continuent de fasciner, non seulement par leur virtuosité narrative et graphique, mais aussi par ce qu’ils disent de leur époque : la fascination technologique, la tension de la guerre froide, l’imaginaire d’un monde en accélération.
Buck Danny, héros sans âge, incarne cette modernité lucide, presque mélancolique, d’un temps où l’homme volait vers demain avec courage, élégance… et une planche à dessin comme seule boussole.
Sélectionnés sur une période de quinze ans, entre 1954 et 1970, les Art Strips de Buck Danny revisitent des cases ou des couvertures parmi les meilleures réalisées en tandem par ces deux génies de la bande dessinée. En s’appuyant sur les planches originales dessinées et encrées par Victor Hubinon d’après les scénarii de Jean-Michel Charlier, scrupuleusement reproduites à la fibre près, réhaussées des couleurs vintage d’époque, ces oeuvres offrent une plongée dans l’essence même d’un art à nul autre pareil, les Buck Danny Art Strips.
Tous les Buck Danny Art Strips sont édités en tirage limité à 30 exemplaires avec un certificat d’authenticité signé par Philippe Charlier et Michèle Hubinon.